Kanin Vennblomst

Nombre de messages : 32 Date d'inscription : 30/10/2007

La famille Venn Blomst avait dû fuir Ascalon durant la fournaise. Résidant à proximité des Cimefroides, ils avaient pu s’en sortir assez facilement ainsi que tous leur entourage. La seule douleur était celle d’avoir perdu leur foyer, mais leurs moyens leur avait permis de vite se ré établir. Le temps avait passé et leurs enfants étaient maintenant grands, ils avaient fait naître leurs propres enfants qui devaient mêler l’héritage ascalonien, avec la culture ambiante krytienne. L’un de ces enfants s’appelait Kanin. Cadet, il était jeune. Sa fraîcheur préservait encore sa naïveté et sa candeur.
Ce jour là il avait plu, et si le paysage était perlé de tout ce que le temps avait donné, l’éclaircie victorieuse n’offrait pas d’arc en ciel. Kanin se promenait dans une campagne qui se confrontait avec la représentation de celle qui lui fut contée par ses parents. Ainsi il pouvait se l’approprier librement au gré de découvertes surprenantes, rompant petit à petit, sans intentions, l’influence de ses parents.
En s’enfonçant dans la forêt, un bruit sourd et répétitif commençait à l’atteindre. Sa profondeur grave était rassurante, et ce son entièrement nouveau l’attirait. S’enfonçant dans la forêt, il dévalait une pente qui menait vers une trouée éblouissante. Les tonalités qui avaient toujours été vertes et brunes, devenaient une fois les yeux remis de la lumière, blanches puis bleue, se mouvant à perte de vue. Ses pieds s’enfonçaient maintenant dans la matière chaude, sèche et immaculée. C’était la première fois qu’il rencontrait le sable, puis la mer.
Cette rencontre qui dura un certain temps fut perturbée par une ombre qu’elle avait délaissée sur la plage, un amas de tissu soyeux mais abîmé, sombre et richement orné. Cela ne ressemblait à rien. Kanin n’avait pas su trouver évidente la nature même de cette matière morte. Cependant ses suppositions fantasmagoriques s’évanouirent soudainement quand il pu reconnaître au milieu du cadavre de tissus un visage blanc et inanimé.

Nombre de messages : 32 Date d'inscription : 30/10/2007

Les jours étaient passés dans la demeure des Vennblomst. Rien, dans la colonie ascalonienne, ne semblait les différencier des autres. Malgré tout c'était là, entre autres, que cette différence se manifestait depuis quelques jours. Les membres de la maisonnée s'étaient fait discrets, et comme leur quotidien n'avait jamais été excentrique cette différence d'intention n'était pas sensible pour le voisinnage.
La cause en était un nouvel arrivant dont le silence aurait été nettement plus remarqué. Cela faisait plusieurs jours qu'il gisait étendu dans un lit, son coeur résonnant timidement dans l'ensemble inanimé que formaient les draps, les vêtements et le corps. L'absence de brûlures, d'hématomes, de blessures sur le corps, le visage à la peau aussi blanche que parfaite cerné de cheveux aussi soyeux qu'ordonnés, le tout enveloppé de vêtements exotiques excitaient l'imagination de la maison. Chacun avait sa propre interprétation des faits, de la plus fantastique à la plus cynique. Ainsi, suivant leur imaginaire, chacun venait quelques temps porter compagnie au corps, lui approtant offrandes, lectures ou conversation ...Se suffisant de cette présence muette.

Un jour Kanin vint dans la chambre avec l'intention d'y trouver une lampe à huile. Il faisait noir, et cela avait accru sa maldresse. Lorsqu'il pu enfin l'allumer, celle ci glissa de ses mains et vint se fracasser sur le sol. Les tâches de lumière incandesantes s'étalaient maintenant sur le sol, formant de petits points lumineux. L'enfant était terrorisé un instant, mais au moment même où ces tâches d'huile en feu lui avaient évoqué quelque chose de précis, le corps qui n'était pas loin avait rompu son propre silence en ouvrant ses paupières.

Nombre de messages : 32 Date d'inscription : 30/10/2007

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Il faisait un temps magnifique, et dans la lumière riche et feutrée qui se glissait dans les fenêtres en épais rayons d'où dansaient les courants de poussière, le jeu mélodique des oiseaux insouciants se faisait entendre. Oui, c'était vraiment une journée magnifique, et celui qui en profitait ne pouvait s'empêcher d'en avoir le coeur porté et le sourire affiché comme une évidence.
Dans une auberge à l'arche du Lion, un homme sensible aux effets de ce jour si spécial par le bonheur général et presque injustifié qu'il occasionnait, descendait les escaliers. Sa tenue était particulière mais la curiosité de la société présente avait été supplantée par l'insouciance générale. Il souriait, commandait son déjeuner, prit la gazette du lion du jour, et concluait ses échanges par une exquise politesse réciproque.
Ensuite il vint partager la table d'un inconnu dans le coin d'une pièce pour consommer son dû. Les deux hommes, face à face, se souriaient poliment comme pour admettre le partage de cette table. Chacun avait son journal, tous deux étaient roux, la peau matte, ils déjeunaient mais là s'arrêtaient leurs similitudes. L'homme qui était installé à son arrivée était de carrure massive, ses cheveux mi longs étaient retenus par un noeud, plaqués ainsi en arrière. Son visage était humble mais respirait la noblesse. Lui, était plus vieux, son corps plus svelte bien que musclé. Ses cheveux étaient plus courts et n'avaient pas de sens précis, et une riche barbe venait allonger son visage et le cerner par la même occasion.
Dans le respect d'une dégustation, l'homme prit un temps de recul en déjeunant. Il levait son regard en direction de la fenêtre où l'on voyait la campagne krytienne. Ce paysage ravivait en lui de vieux souvenirs qui lui étaient agréables, mais qui contenaient une pointe de culpabilité.

L'effondrement du royaume d'Orr avait légué de nombreux orphelins à la Kryte. Ulhas Shanti avait été un politicien influant à l'époque, et son admiration pour ces enfants qui avaient tout perdu et qui avaient tout à reconstruire de leurs propres mains le touchait. Plus encore, son estime pour eux était systématiquement conquise. Ce sentiment avait pourtant été concrétisé le temps d'une génération d'enfance. L'Orphelinat Shanti offrait son nom à tout ceux qui l'avait perdu, et leur apprenait la ruse dans le but qu'ils aient dans leur bagages la faculté de se créer un havre en toute circonstances, comme lorsque bonheur se libère de tout contexte. Cet apprentissage n'avait rien d'arithmétique, il se façonnait par expériences et intuitions, aussi il ne fonctionnait qu’inégalement. Mais Ulhas avait toujours été présent dans ces moments là.

Mais le climat krytien s'était accablé de l'accession du Blanc manteau à la sphère politique. Comme beaucoup d'autres, Ulhas devait disparaître avec un gouvernement dont ils avaient tenté des directions autres que celle, radicale, qu'il avait finalement prit. Bien que s'y étant résolu, il n'avait pas réussit à communiquer son départ à ses enfants retrouvés.
Un matin, l'orphelinat qui avait toujours été épargné des tourments du monde, était désormais vulnérable par la porte qu'Ulhas avait laissée ouverte en partant.

Mais maintenant que le temps était passé et que les choses s’étaient calmées, Ulhas était de retour, et il espérait, naïvement pensait il, trouver de l’apaisement en retrouvant les enfants qui avaient été trop de fois abandonnés. Il se dirigerait vers son ancienne demeure, car peut être après tout qu’ils y vivaient toujours, et fidèle à son désir le plus secret, peut être que ces nouveaux adultes attendraient là pour l’accueillir.
Mais ces pensées furent évacuées pour le moment. Les circonstances de ce jour l’apaisaient, et seul l’espoir et les bons souvenirs avaient leurs places. Cependant il opta pour un moment d’insouciance. Il remarqua que l’homme qui était assis en face de lui était parti sans prendre sa gazette, dont le contenu apparent l’avait beaucoup surpris, mais dont le thème lui paraissait plaisant. Mais le moment de le constater plus amplement n’était pas de celui qui était vécut, aussi il la ramassa et feuilleta plutôt celle qu’il venait de s’offrir. Par mis les nombreux faits divers celui-ci attira son attention : La colonie ascalonienne avait vu l’une de ses maisons brûler et deux personnes y avait disparu.

Nombre de messages : 32 Date d'inscription : 30/10/2007

Une expédition avait bien eu lieu pour répondre aux inquiétudes d’Ulhas Shanti. Ses enfants étaient quatre, Ananda, Aboli, Indira et Adapa. Les retrouvailles entre Ulhas et Ananda purent avoir lieu, elles furent riches d’émotion. Cet évènement avait largement compensé la destruction de l’orphelinat par le blanc manteau. Ulhas pressentait, non sans inquiétude parfois, qu’il retrouverait les trois autres enfants manquants. Mais l’heure était à la joie, le temps n’avait pas eu d’effets sur leur affection réciproque, et ils passaient maintenant la majeure partie du temps à rattraper celui qui avait été perdu. Aussi grâce aux éléments retrouvés, au témoignage de la famille Vennblomst, et aux intuitions d’Hansel Andersen, les membres de l’expédition retrouvèrent Shunn, qui du fait du caractère de Valten, ne put de suite prouver sa gratitude. Le pauvre homme allait endurer moult surprises, dont la déception la plus cruelle, celle de ne pas retrouver comme premier visage connu, celui de Luciole Huang.

***

Il faisait nuit noire, et les dispositifs lumineux découpaient froidement en surfaces blanches les silhouettes qui avançaient avec un pas cadencé et rapide, suggérant que chacun était investi d’une mission importante. C’était au dessus de l’embarcadère de Kaineng, où une lune parfaitement ronde trônait. Au milieu de ce tumulte l’une de ces silhouettes restait immobile, contrastant avec une foule en perpétuel mouvement où ne résonnait que le bruit rythmé des talons, pas un seul murmure ni une parole. Une longue chevelure blonde soyeuse et brillante, une peau de porcelaine, les traits fins et une corpulence fine. Un homme vint à sa rencontre avec la même attitude générale, se stoppa net, lui rendit une lettre, et fondirent tous deux en différentes directions dans cette foule pour disparaître de l’embarcadère.

Shunn arpentait péniblement les ruines de Surmia pour y retrouver son foyer originel. Luciole Huang avait disparu, sa demeure à l’Arche du Lion avait été détruite, les chevaliers de l’Equinoxe n’étaient plus. Il n’avait plus d’autre envie que celle de se recueillir dans les vestiges de son enfance sous le soleil rouge et l’air poussiéreux de la vieille Ascalon. En se perdant dans la patrie des charrs où la nature y fut préservée, les souvenirs, le désir viscéral de retrouver les tableaux d’une jeunesse brillante et entourée devinrent irrépressibles. Mais les circonstances ne pouvait que le plonger dans une solitude que l’on pouvait juger inquiétante.
Il était assis sur un banc contre un mur qui tenait encore dans ce qui fut sa cuisine et à travers les fondations regardait l’étendue d’une terre brune, nettoyée de vie et recouverte de la poussière du passé. Sur une table en bois légèrement carbonisée qui tenait encore miraculeusement debout, un vase fissuré était remplis d’Iris rouges que Shunn avait pu ramener du nord. Une jeune personne s’approcha et y glissa un nouvel iris rouge.
Shunn fut pris de surprise.

« Excusez moi, j’explore ces terres depuis quelques jours, et cela fait quelques temps que je vous ai remarqué ici. Je me nomme Adapa Shanti. »

La présentation détendue et irréprochable de cet inconnu lui fit reprendre ses esprits, et se sentis soudainement confus d’avoir manqué de politesse.
Il se rattrapa aussitôt en déclinant son identité, se montrant enchanté de cette rencontre pourtant improbable.

« Shunn ? De la Maison Andersen ?! Quel honneur de vous rencontrer ! Je suis moi-même teinturier, a vrai dire, je m’attache surtout à trouver les éléments de la nature qui me permettent de créer de nouvelles couleurs. »

Cette complémentarité probable entre l’exercice d’une sensibilité des couleurs et la recherche de nouvelles possibilités en la matière éveillait vivement son intérêt pour cette jeune personne.
Son aveu que ses recherches portaient aussi en grande partie à la découverte de nouveaux cosmétiques, n’avait fait qu’accroître sa sympathie.
Cette amitié naissante allait offrir à Shunn l’opportunité de pouvoir s’extirper de sa solitude et des vestiges de sa demeure. Cependant il ne se posa pas la question de savoir quels étaient les avantages pour Adapa dans cette relation outre ceux qui pouvaient paraître évidents. Peut être allait il le regretter plus tard.